par Marie-Laure Duffaud Prévost
Études drômoises n° 70 (juin 2017)
pp. 16 à 19
Résumé d’après l’article
Parmi les plantes qui traversent l’histoire des montagnes drômoises, il y a la lavande fine sauvage (lavandula angustifolia).
À la fin du XIXe siècle, l’huile essentielle de cette plante est recherchée par l’industrie des parfums de Grasse. Après de nombreuses réticences, les paysans locaux se mettent à cueillir et distiller la lavande.
La fièvre de la lavande s’empare alors des populations qui trouvent là une source de profit importante, un « pactole », selon l’expression des géographes. Dans l’entre-deux-guerres, les historiens évoquent pour ces régions le « miracle de la lavande » qui devient « l’un des plus gros profits des Préalpes ».
L’aire spontanée de la lavande est optimale entre 500 et 1500 mètres, mais elle a aussi besoin de lumière et le déboisement ainsi que la présence intensive des moutons ont permis cette inversion de flore.
Mais cette nouvelle activité rurale n’émerge pas de façon spontanée.
Dans la Drôme, le professeur Lamothe est particulièrement actif.
C’est lui qui lance les premières plantations (en 1882 vers Dieulefit) et essaie de convertir les populations des territoires défavorisés à cette nouvelle culture.
Il est qualifié « d’apôtre de la lavande » tant il a œuvré pour cette filière : développement des engrais chimiques, pépinières sélectionnées.
À Die, une initiative remarquable est à signaler.
En effet, en 1906 est créé le premier « syndicat des producteurs d’essence de lavande des Alpes du Diois » sur proposition de M. De Fontgalland, de Die et « grâce à l’activité de M. Gattefossé » (industriel lyonnais).
Il a pour siège Luc-en-Diois.
Avant son exploitation intensive, la lavande pouvait être ramassée librement. Mais dès 1906, à Montlaur-en-Diois, la cueillette est réglementée.
La distillation pose problème elle aussi. Les connaissances sont sommaires et le produit obtenu correspond peu à la qualité exigée par les parfumeurs.
En effet, les agriculteurs distillent la lavande dans des alambics rudimentaires (à feu nu), en propriété individuelle ou collective.
Au-delà de l’artisanat, émergent déjà quelques familles de propriétaires terriens et distillateurs, comme la famille Reynaud à Montbrun-les-Bains (Baronnies).
Mais l’âge d’or de l’entre deux guerres va entraîner une surproduction génératrice de nombreuses crises. La concurrence du lavandin (plante plus productive), de la molécule de synthèse mais aussi d’autres zones géographiques complexifient encore plus le marché.
Toutefois, au-delà des enjeux économiques, l’empreinte culturelle de cette plante aura profondément marqué ces régions de moyenne montagne jusqu’à aujourd’hui.