Il y a bien un problème du pin noir.
Cet arbre fut longtemps un bienfait en pays diois, mais il est devenu une plante invasive au-delà des périmètres où l’on entend l’exploiter.
Il suffit de quelques plantations, même modestes, de cette essence à croissance rapide pour menacer, par dissémination, un paysage lumineux comme celui du cirque d’Aucelon.
La reforestation volontaire a été une solution contre l’érosion et la violence du ruissellement sur des versants alors dénudés… Il a fallu plus d’un demi-siècle pour y parvenir.
Aujourd’hui, le couvert forestier est si dense que l’activité torrentielle est devenue insuffisante, trop faible pour approvisionner la rivière Drôme en sédiments et graviers. La Drôme s’enfonce dans son lit, comme certains littoraux reculent faute d’apports.
À ce thème du régime des eaux et de la conservation des sols s’ajoute celui de la biodiversité des espaces naturels.
Celle-ci est beaucoup plus grande dans les espaces ouverts que sous une forêt de pins noirs.
Car avant le pin noir il y avait le pin « rouge », c’est-à-dire le pin sylvestre dont la croissance lente, dans notre biotope, laissait – pas toujours – toute leur chance aux feuillus et aux espèces de sous-bois les plus diverses, ainsi qu’à la faune attachée à cette flore.
Quant à l’arrachage des jeunes pousses de pins noirs, pourquoi pas en effet ? Même si cela peut paraître un travail de titan, la tâche n’est peut-être pas plus contraignante, finalement, que l’entretien des berges d’une rivière.
Et plus « sympa » que le ramassage des ordures dans le cadre d’une opération « rivière propre ».
Plus sympa et plus instructif aussi, car les « arracheurs de pin noir » auront parfois la surprise de retrouver des murets de pierres sèches, des terrasses de culture à demi effacées, des chemins et des drailles abandonnés, des bornes, des sources et anciens captages, des vestiges de bergeries, de jasses, ou de fermes isolées et oubliées…
Ces rendez-vous conviviaux avec la nature nous permettraient de nous rendre compte combien, dans certains secteurs, nos montagnes sont en passe de devenir aussi uniformes et sombres qu’une sapinière nordique, en contradiction avec une lumière généreuse que ce manteau de résineux ne peut accrocher.