Association universitaire d'études drômoises
L'AUED est une association reconnue d'utilité publique qui édite Études drômoises, la revue du patrimoine de la Drôme

Des orgies à l’ENG de Valence en 1870 ?

par AUED

Par Jacques Delatour

Études drômoises n° 62 (juin 2015)
pp. 17 à 19

Résumé d’après l’article

Il est décidé, en 1862, de construire une École Normale de garçons à Valence dans un vaste terrain, situé un peu à l’extérieur de la ville.
Ce beau bâtiment, qui a résisté au temps, rue de l’École Normale, ne satisfait alors ni les élèves ni les professeurs. Tous se plaignent que cette nouvelle École soit « loin du centre de la ville, isolée de toute habitation ». Les études sont payantes et les élèves doivent acheter leurs fournitures. Toutefois, quelques bourses sont octroyées à des élèves méritants contre un engagement à servir dix ans dans le département.

L’instruction religieuse, fait partie intégrale du programme d’études. La journée commence et finit par une prière, on récite le chapelet au dortoir, la messe est de rigueur mercredi et dimanche, pour la bibliothèque on achète des ouvrages pieux.

Tout semble donc en place, verrouillé, pour une conduite exemplaire et pourtant le scandale éclate en juin 1870.
Le directeur de L’École Normale dans une longue lettre adressée à l’Inspecteur d’Académie fait part de « sa douleur » et réclame une sévérité impitoyable devant « l’étendue du mal. »

Que s’est-il donc passé ?
Trois élèves, écrit-il, dans la nuit du dimanche 19, sont sortis par la fenêtre de la lingerie et sont rentrés plus tard par la même voie. Ils sont allés boire et fumer (horreur !) au café Armand, place Championnet puis dans un café avenue de la gare.
Mais il y a plus grave encore ! Les coupables finissent pas avouer qu’au café Laye, ils ont trinqué avec « des femmes de l’endroit », les ont accompagnées dans des cabinets particuliers, les ont payées et… vous n’en saurez pas plus, le directeur, pudique, se refusant à parler de l’horrible suite prévisible.

La loi du 9 août 1879 rend obligatoire la création d’une École Normale pour garçons et d’une pour filles dans chaque département.

Elles sont désormais entièrement gratuites et financées par les Départements.
Le concours d’entrée aux Écoles Normales s’adresse aux jeunes de 15 à 18 ans, titulaires du brevet élémentaire.

Pétain déteste les Écoles Normales, source pour lui de la décadence du pays et il les supprime en 1940.
Elles renaissent à la Libération. En 1990, l’enseignement des Écoles Normales étant jugé dépassé, les IUFM (Instituts universitaires de formation des maîtres) leur succèdent, puis disparaissent à leur tour pendant deux ans.
On redécouvre alors une évidence : enseigner est un métier qui, comme les autres s’apprend (et non à l’Université) et l’on revient à des Instituts de formation des professeurs du premier et du second degré (ESPE).

Les futurs enseignants ne sont plus internes, ils ne passent plus par la fenêtre de la lingerie et ne se livrent plus – faut-il le préciser ? – aux « orgies » qui effrayaient tant le directeur en 1870. Ils ont bien d’autres soucis, pour affronter le métier, de plus en plus dur, qui les attend.

Cour de l'École normale d'instituteurs en 1910
École normale d'institutrices, promotion 1913-1914
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