par Henri Lemonon et Pierre Palué
Études drômoises n° 58 (juin 2014)
pp. 28 à 32
Résumé d’après l’article
Juin 1940 dans une boucle de la Seine non loin de Vernon. Notre colline domine la Seine. Le site n’est certainement pas choisi pour sa beauté : il convient à nos batteries dissimulées sous les arbres.
Nos vieux mortiers de 220 datant de la guerre de 14 avaient été mis en batterie dans cette courbe de la Seine. Leur mission éventuelle était de détruire un pont sur le fleuve. Or, il parait que nous transportions non des obus de 220 mais des obus de 75 dont nous n’avions que faire.
Mon ami Pierre avait suivi le peloton des sous-officiers à Valence. Il en était sorti dans un excellent rang. Il avait fait à Chambaran « les écoles à feu » et lucide, y constata alors, en accompagnant les officiers de réserve, qu’ils étaient incapables d’effectuer les calculs nécessaires pour le tir. On tirait donc au hasard, loin du but généralement…
Violemment attaqués, nous partons en pleine nuit et après trois jours de voyage nous échouons à Paimpont près de la presqu’ile de Quiberon.
Notre colonel s’était enfui… Après une longue attente, debout sur la route qui conduit au pont de Thouaré, à quelques kilomètres de Nantes, nous voyons remonter un interminable troupeau de soldats français conduits comme des moutons par quelques soldats allemands qui les encadrent de loin en loin. Ce sont les premiers Allemands que je vois dans cette guerre. Nous sommes gracieusement invités à nous joindre à la pitoyable troupe.
D’abord regroupés dans une usine à Nantes pendant trois jours, les prisonniers sont ensuite entassés dans des wagons et transportés au camp de La Courbetière à Chateaubriand.
Pierre Palué, encore lui, décroche pour son ami Lemonon le poste d’interprète au ravitaillement. Ce n’était pas pour parfaire mes connaissances en allemand que Pierre m’y avait placé. Il y avait vu, très justement, un moyen de privilégier notre propre alimentation et celle de nos plus proches camarades.
Nos deux amis finissent par se retrouver dans une ferme à Notre-Dame de Vandreuil. Le moins qu’on puisse dire est que l’accueil n’est pas très cordial et que le fermier ne les considère pas comme de pauvres soldats mais comme de mauvais valets. Pierre Palué est vite apprécié alors qu’Henri Lemonon est seulement supporté, incapable qu’il se révèle de ramener les vaches du champ à l’étable.
Ayant décidé de s’évader, un dimanche, ils prennent le train à Saint-Pierre-de Vouvray. Le cheminement est erratique, beaucoup de ponts ayant été détruits. Finalement ils arrivent à Versailles affamés, puis finissent par se retrouver à Bordeaux.
Le passage de la ligne de démarcation s’opère avec un peu de chance et beaucoup de sang-froid. Le train arrive le soir à Valence ; le lendemain c’est Romans, puis Saint-Donat en car…