Mobilisé le 2 septembre 1939, Émile va avoir 37 ans. Il consigne ses souvenirs dans un carnet format 14,5 x 9,5 portant en titre sur la couverture Émile Siffermann, guerre 1939-1940. Le carnet comporte 42 pages d’une écriture régulière et appliquée, ce qui pourrait indiquer que les notes prises sur le vif ont été soigneusement recopiées après la démobilisation.
La guerre d’Émile Siffermann ne comporte pas de faits d’armes.
Il se retrouve à Albertville, où, début septembre, il est incorporé au CSMA 34, habillé de kaki et affecté à un emploi de bureau. Deux mois de vie tranquille, puis c’est le départ pour l’Alsace, à Bischoltz où il restera du 26 octobre 1939 au 30 mars 1940. Les conditions de vie là encore deviennent rapidement presque confortables : À Bischoltz, la vie de bureau, à l’écart du front, n’est pas désagréable : les soldats ne couchent pas dans la paille, les repas sont bons, on se fête les anniversaire, on se chamaille, on s’amuse et on a droit à des permissions.
Fin du séjour à Bischoltz ; « 30 mars, nous quittons Bischoltz au matin. Il neige mais les habitants nous regardent partir avec tristesse. Notre séjour a duré cinq mois et nous ne pouvons que garder un excellent souvenir du temps passé dans ce petit pays. Nous faisons route par Ingwiller et Bouxwiller et nous arrivons enfin à Ingenheim.
26 avril, 3 heures du matin. Nous partons à pied pour Brest, le cœur gros. Nous arrivons à 6h ½ au port et devant nous sont amarrés deux gros paquebots : le De Grasse et le Ville de Majunga.
Vers 19 h, alors que j’étais en cabine, nous quittons le quai sans que je m’en sois aperçu.
Je me précipite sur le pont supérieur au moment où nous sortons du port. Sur un quai, était rangée une musique militaire qui nous saluait à notre passage.
29 avril : Nous avons avancé très doucement toute la nuit et au réveil, nous voyons la terre. Nous pénétrons dans une immense baie où de nombreux bâtiments sont ancrés et à 9 h nous sommes ancrés nous aussi. Autour de nous ce n’est que des bâtiments transport de troupes et des navires de guerre.
C’est la baie de Greenock.
Le 1er mai, le bateau est amarré au quai à Glasgow en Écosse. L’accueil des Écossais, traditionnellement francophiles, est excellent. C’est une fête quasi continue.
19 mai : Notre séjour en Écosse se termine et notre joie est grande car nous venons d’apprendre que nous prenons le départ pour retourner en France. Le chemin de fer emmène les soldats français à Liverpool où ils embarquent sur le Massilia et arrivent sans incident à Brest le 22 mai.
24 juin : Nous attendons les nouvelles avec impatience. Nous apprenons par la TSF que les hostilités cessent dans la nuit. Une alerte a lieu aussitôt et nous rentrons dans un abri où nous restons jusqu’à 0h 30. Le canon ne tonne plus. C’est la fin. »

