Je suis né à Romans. J’ai été un très mauvais élève, renvoyé de plusieurs écoles, à tel point que mon père, lassé par mes « exploits », m’a confié un magasin ouvert à Valence, que j’ai tenu avec ma sœur. C’était difficile car à la Libération tout manquait.
Ma chance fut d’être pris comme unique photographe par Le Dauphiné Libéré. Avec Charles Liénard, Pierre Maillefaud et surtout Pierre Vallier, qui devient mon équipier habituel, je couvre tous les événements petits et grands de la Drôme et de l’Ardèche. Il nous avait fallu une voiture et une 2cv Citroën difficilement obtenue, la 107 K 26, nous a permis de sillonner tous les départements.
L’ouverture d’un laboratoire de développement des pellicules obtient tellement de succès que la maison Kodak, poussée par des confrères dépités, cesse de nous livrer les produits nécessaires. Nous nous sommes alors tournés vers la maison Gevaert d’Anvers, qui nous a même permis, dans les années 1950, de passer au développement couleur.
Je possède des milliers de photos dans mes archives, dont beaucoup ont été cédées à Mémoire de la Drôme.
En 1949, à mes débuts, j’ai photographié le président Vincent Auriol, rue Émile Augier dans une voiture prêtée par l’Automobile club de la Drôme.
En 1963, autre président de la République : De Gaulle veut saluer Bonaparte en passant en voiture devant la Maison des Têtes, Je me pointe en embuscade. Le tuyau était bon. De Gaulle apparaît dans une voiture Versailles escortée par trois motards. Il n’y a presque personne pour le regarder passer.
Pourtant, coup de chance pour moi, il est debout et clic, je prends le cliché. S’il avait été assis, on ne le voyait pas et ma photo était sans valeur.
En 53, Pierre Vallier me prévient qu’il va prendre le dessert avec Picasso au restaurant du Midi, situé de l’autre côté de l’avenue Félix Faure. Picasso apprécie le lapin à la moutarde et plus encore le Côtes du Rhône de Chapoutier. Il répond aux questions de Pierre Vallier et griffonne sur la nappe de papier.
Je prends mes photos et ce n’est que dans la nuit que je repense tout d’un coup à la nappe. Je me précipite au restaurant :
– La nappe où est-elle ? Qu’est ce que vous en avez-vous fait ?
– Ben, on l’a passée à la poubelle. Pourquoi, c’était important de la garder ? »
On va à la poubelle. Trop tard ; elle a déjà été ramassée.
Nous n’aurons pas notre petit Picasso.
En 1955, c’est Charles Trenet qui dîne chez Pic. André Pic était formidable : il nous prévenait de toutes les célébrités qui descendaient chez lui. Pour Trenet il avait confectionné un gâteau en forme de corbeille. Le chanteur a passé la tête dans l’anse de la corbeille et j’ai pris ma photo.
Je pourrais encore citer Éric Von Stroheim, Peynet, Cathelin, Jean Robert, Jean Ferrat, Gaston Dintrat…
Un de mes plus beaux ratages, c’est Pavarotti ; j’étais dans le TGV pour Paris et en face de moi, un homme remuait sans arrêt les lèvres et tapait en cadence sur la tablette devant lui. Pendant les 2 heures et demi du voyage, je me suis dit : « Il est malade, ce type » Quand j’ai appris par un journal que c’était Pavarotti, j’en aurais pleuré. Rater un cliché comme ça ! »
André Deval continue de photographier – récemment Aznavour, puis Toros – tandis que son fils Pierre, la troisième génération, et ses deux petits fils, la quatrième génération, assurent la continuité de la photographie Deval.