L’ancien comté de Valentinois, fondé par les Romains avant J.-C. offrait des particularités propices aux histoires de géants : nombreux mégalithes, meules romaines éparses dans les champs, curieuses ruines de Crussol… Le géant Briard aurait régné sur le Vivarais avant le déluge.
Dès 1456, un dominicain de Valence trouva des ossements de taille singulière qui attisèrent la curiosité des populations et qui furent rapidement dispersés. Chirurgiens et apothicaires de l’époque ne manquèrent pas d’en extrapoler la taille du personnage : près de quinze coudées (7,5 m).
Un frère dominicain entreprit de peindre le squelette entier du géant sur les murs du cloître et peut-être d’autres représentations virent elles le jour, mais il ne reste qu’une miniature, exécutée vers 1505 pour le célèbre antiquaire lyonnais Pierre Sala, miniature très symbolique dans son traitement. Une légende, écrite dans le latin rocailleux de l’époque, accompagnait la fresque, entretenant le mystère et le merveilleux propres à la fin du Moyen-âge.
Louis XI, puis Louis XII, lors de passages à Valence se firent montrer les vestiges du géant, qui entre temps avait pris le nom de Briard, et certains disent même que Rabelais s’en serait inspiré pour son Pantagruel !
De fil en aiguille les événements troublés de l’époque contribuèrent à répandre l’histoire du géant qui devint fort célèbre dans toute l’Europe, s’enrichissant au passage d’épisodes nouveaux. Les guides de France au XVIIIe siècle signalent Valence et son géant.
La Révolution française, qui signa la fin des couvents valentinois et de leurs os gigantiques, contribua ainsi à la fin des aventures du géant, que Bonaparte, visitant les lieux le 2 mai 1795, ne semble pas avoir rencontré…
La déchéance du géant Briard s’explique par l’évolution des mœurs scientifiques et politiques : les historiens apprenant à ne se fier qu’aux textes antiques les plus strictement avérés et les scientifiques proposant d’attribuer les ossements découverts à un animal de grande taille, comme l’éléphant.
Ainsi que l’assurait Walter Stephens en 1989, le géant est une figure idéologique, reflet des peurs et des aspirations les plus pressantes d’un peuple.
Le Valentinois d’aujourd’hui ignore tout du géant de Crussol, mais le Géant Casino, symbole d’abondance et de libre consommation, n’a pas de secret pour lui !
