1 – Au temps de la Révolution quand les Jullien de Romans s’écrivaient
Jean Sauvageon
La correspondance abolit les distances, même si, à la fin du XVIIIe siècle, les lettres mettent plusieurs jours pour aller à Paris depuis Romans. Si au départ les lettres sont marquées du sceau de l’intime, lorsque les historiens s’en emparent, elles deviennent des documents d’étude.
Les lettres sont l’occasion d’un rassemblement familial pour que toute la famille partage les nouvelles. C’est bien une manifestation de la sociabilité attachée à la correspondance.
Marc-Antoine Jullien, fils d’un négociant de Romans né en 1744, part à Paris à 18 ans pour y suivre des études. Il y épouse Rosalie Ducrolay, née à Pontoise, elle aussi très cultivée.
Leur vie se partage entre Romans et Paris et les périodes de séparation donnent lieu à une importante correspondance presque ininterrompue durant 14 années.
Ces lettres parlent bien sûr de la vie familiale, mais regorgent aussi de narrations sur les événements nombreux de cette période révolutionnaire fort agitée. Rosalie Jullien se comporte comme une journaliste passionnée, mais lucide, relatant au jour le jour les faits dont elle est témoin.
Le 5 octobre 1789, elle assiste à la manifestation des femmes à Versailles.
Ses lettres d’août 1792 montrent à quel point elle vit intensément la prise des Tuileries. « Le peuple a tout brisé dans le château, il a foulé aux pieds toute la pompe des rois, les richesses les plus précieuses ont volé par les fenêtres… »
La famille Jullien fréquente Robespierre, dont Rosalie brosse un portrait, et aussi le peintre David qui a l’occasion de « croquer » depuis leur fenêtre, le passage de la reine en route vers l’échafaud.
Cette correspondance, très facile à lire car très bien écrite, constitue un véritable reportage sur cette période.
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2 – Le fonds Bon – Nugues
Claude Magnan
Ce fonds privé, venu à la lumière à l’occasion du bicentenaire de la Révolution, représente actuellement un ensemble de 150 cartons d’archives, dont la quasi-totalité est inédite.
Le tableau généalogique permet d’en structurer le contenu et la place des personnages qui en sont les auteurs.
Le père, Claude Étienne, installé à Romans, fait commerce de draps et de vins. Il fait commerce dans tout le sud-est et même jusqu’en Suisse. Marié à Charlotte Enfantin, d’une famille huppée de Romans, le couple aura 9 enfants. Les filles sont instruites et leur correspondance très riche, mais elles restèrent toutes célibataires.
Les garçons, eux aussi solidement instruits au collège de Navarre à Paris, feront partie, au moment de la Révolution, de ce réservoir d’énergies, de compétences et d’appétits, prêts à prendre leur chance dans les bouleversements de cette époque.
L’aîné, Claude Pierre, fait une carrière militaire et jusqu’à sa mort en 1799 à la bataille d’Aboukir, il ne cessera d’écrire à sa famille.
Saint Cyr, lui aussi finit par faire carrière dans l’armée, où il devient secrétaire du général Suchet pour finir directeur du personnel au Ministère de la guerre.
Louis devient responsable des affaires commerciales de son père.
Tout ce monde, ainsi que leur propre parenté, n’a cessé de s’écrire, de se répondre avec une grande rigueur et tout a été conservé ! Ces diverses correspondances décrivent par le menu toutes les activités d’une famille bourgeoise : on lit, on fait de la musique, on danse, on joue la comédie, on se reçoit et les repas sont bien décrits avec leurs menus détaillés : tout y est !
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3 – Cartons d’invitation du XVIIIe à nos jours
Jérôme Delatour
Longtemps les artistes ont produit de petites images qui leur servaient de carte de visite ou de publicité. (Pierre-Paul Sevin, Aved ou Jean Diacre).
Il faut attendre la fin du XVIIIe et Eugène Delacroix pour voir de véritables invitations à assister à un vernissage ou une présentation ; cela se présente sur une feuille pliée en deux prenant la forme d’une lettre, avec la description de l’œuvre et l’adresse du destinataire, expédiée par la poste.
Si les artistes produisaient eux-mêmes leurs invitations, les marchands d’Art utilisèrent des invitations imprimées dès la seconde moitié du XVIIIe siècle.
À la fin du XVIIIe, l’invitation du marchand s’accompagne du catalogue des œuvres exposées, ainsi que les dates et lieux de l’exposition.
D’abord très austère, le carton d’invitation s’émancipa à la fin du XIXe siècle : il prit des formats exotiques, s’illustra de gravures originales, utilisa des typographies rares et soignées.
La dernière innovation, vers les années 1890, fut la reproduction en couleurs.
Depuis, pas de transformations majeures ; plus de fantaisie, utilisation de matériaux de récupération (pages de journal ou papier d’emballage), ou du bois, voire du métal.
Notons que le courrier électronique n’a pas de prise sur la pratique des cartons d’invitation.