Par Françoise de Bouillane de Lacoste
Études drômoises n° 29 (janvier 2007)
pp. 20 à 27
Résumé d’après l’article
Étienne Cornud est né en 1763 au hameau des Cornuds, près de Vinsobres, dans une famille protestante de propriétaires terriens installés là depuis plusieurs générations.
Étienne est le troisième de 5 garçons, mais, dynamique et intelligent, il acquiert une instruction bien supérieure à la moyenne d’alors, qui lui donne un large ascendant sur ses frères et qui décide sa mère à le désigner arbitre de la succession paternelle.
À 19 ans, il s’établit négociant à Montélimar ; deux ans plus tard, il épouse Louise Bariel et prend la gestion de la boutique familiale. Louise va se révéler être une associée idéale pour Étienne, prenant en main la bonne marche de l’entreprise.
Les huit enfants qu’ils auront et dont trois seulement survécurent, ne constituent pas une entrave à leur activité, car placés dès la naissance en nourrice et objets d’un intérêt médiocre de la part de leurs parents.
Cependant sa fille Philippine va bénéficier d’un régime de faveur : elle est envoyée à Genève, dans une très bonne pension qui fait d’elle une jeune fille accomplie qui va s’investir dans l’entreprise familiale. Son mariage avec Paul Bouillane-Lacoste ne l’en éloigne pas, au contraire.
Étienne Cornud doit vendre sa maison pour des travaux d’urbanisme en 1844, et négocie fort bien la chose, l’indemnité qu’il perçoit lui permet de faire édifier une fort belle demeure.
Son activité professionnelle prend elle aussi de l’ampleur, et de simple négoce local devient une sorte de comptoir général qui nécessite d’incessants voyages pour en assurer l’approvisionnement.
Son « Grand livre d’achats » rend compte avec précision de toutes les opérations nécessaires, des relations commerciales qui vont de Saint-Étienne, Lyon, Genève, Grenoble jusqu’à Avignon, Orange, Marseille, Montpellier. On trouve de tout chez Cornud ! Ce fut certainement le premier grand bazar de Montélimar.
Parallèlement à cette réussite économique, Étienne Cornud s’élève dans la vie sociale de Montélimar. Sa double qualité de protestant et de franc-maçon le sert et il en profite, approuvant sans réserve les changements révolutionnaires. Cela le pousse à prendre quelques responsabilités municipales, sinon politiques, car son véritable intérêt semble être sa réussite sociale. Il investit alors son énergie à se constituer un capital foncier respectable, profitant de toutes les opportunités.
Ayant acheté le moulin de Montboucher, il en fait un atelier de moulinage qui peut fonctionner dès 1805. Il emploie 12 personnes, embauchées parmi les populations pauvres du voisinage et qui assurent un travail particulièrement pénible. Cet atelier sera modernisé à plusieurs reprises.
Ainsi l’ascension sociale d’Étienne Cornud est tout à fait représentative de ce que fut l’émergence d’une classe nouvelle de bourgeois, principale bénéficiaire de la Révolution, puis favorisée par le Consulat et l’Empire, classe qui va caractériser le XIXe siècle comme classe dominante.
Cornud, comme des milliers d’autres, a fondé sa fortune sur l’industrialisation naissante, sans toutefois se détourner complètement de ses racines paysannes.