Dans le contexte des batailles scolaires en cours en ce début de XXe siècle, la Drôme présente des caractères qui lui sont propres ; on peut en retenir trois .
D’abord la précocité et la virulence avec laquelle les républicains drômois réclament la laïcisation de l’enseignement primaire, dans le cadre d’une rupture immédiate avec le concordat. Le second point est la nature bi-confessionnelle de la Drôme : la présence protestante a influé sur la vie locale et tout particulièrement dans le domaine scolaire. La troisième réalité est l’existence de grandes congrégations enseignantes féminines dont la maison mère se trouve dans le diocèse de Valence.
Bien que la loi Falloux ait sérieusement favorisé la présence catholique à l’école primaire, il n’en demeure pas moins que l’essentiel des effectifs est accueilli dans les écoles communales publiques :
Chez les garçons, en 1873, 17000 élèves dans les écoles communales publiques contre 5500 dans les écoles publiques congréganistes.
Chez les filles la tendance s’inverse : 9600 chez les congréganistes contre 7000 chez les laïques.
La situation de l’enseignement doit aussi intégrer des problèmes de locaux, ces derniers étant très souvent mis à la disposition des communes par des organismes religieux (couvents, hospices), ce qui complique son fonctionnement. À cela vient encore s’ajouter la qualification, donc la formation, des maîtres habilités à enseigner : chaque tendance a son « école normale ».
La densité de la présence religieuse sur le terrain permet à ces différentes congrégations de s’implanter majoritairement dans la fonction enseignante.
C’est à cette nébuleuse que les républicains radicaux de la Drôme vont s’attaquer à partir de 1871 dans les conseils d’académie, dans les conseils municipaux, au Conseil général à la Chambre et au Sénat. Madier de Montjau présente, en 1871, un vaste programme dont la finalité est d’évincer les congrégations pour faire reculer l’obscurantisme dans lequel les congréganistes maintiennent les enfants, par incompétence ou par calcul… Cette ouverture permet à un certain nombre de municipalités de procéder à une première vague de laïcisation.
Une seconde vague s’appuie sur les lois Ferry, qui donne 10 ans pour en accomplir toutes les obligations. À la fin de l’année 1899, marquée par le changement de gouvernement et l’élection d’Émile Loubet à la présidence, il reste très peu d’enseignants congréganistes dans la Drôme.
La dernière phase de la laïcisation, après la loi du 1er juillet 1901, se déroulera dans un climat plus tendu car elle aboutit à la séquestre des biens des congrégations, à des fermetures de couvents, à des exils. De plus certaines mesures rendent impossible le maintien de l’enseignement congréganiste privé, ce qui prive de choix les familles ayant ces convictions.
On peut dire que les parlementaires drômois ont inspiré le durcissement des mesures anti congréganistes et les ont appliquées avec rigueur dans leur département.
L’épreuve de la laïcisation des écoles, malgré des crises aiguës, a finalement abouti à un règlement au niveau local d’un certain nombre de dossiers, à un nouvel équilibre « public-privé » et surtout à la fin de violences d’origine religieuse, même pour l’école.