Par Françoise de Bouillane de la Coste
Études drômoises n° 22 (juin 2005)
pp. 2 à 9
Résumé d’après l’article
La région du Poët Laval a connu une activité verrière probablement ancienne du fait de la qualité de son sable et de la présence propice de chênes blancs, hêtres et pins.
L’un de ces verriers, Etienne de Bouillane, est choisi pour cette étude en raison de l’abondance de documents, tant familiaux que dans les archives, mais aussi car sa carrière de verrier est connue depuis son apprentissage jusqu’à sa retraite, ce qui permet d’en mieux saisir les conditions.
Etienne, né en 1708, est le cadet de la famille, et ne se trouve donc pas prisonnier du maigre patrimoine paternel, mais peut apprendre à lire, à écrire et entamer une formation dans la verrerie. En effet, le métier de verrier, quoique manuel, ne peut être pratiqué, à cette époque, que par des gentilshommes car il procure certains privilèges. Leur mode de vie les oblige à rester isolés dans les forêts où ils forment des « familles », en majorité protestantes, dont les membres sont apparentés.
Etienne de Bouillane est manifestement doué pour cette activité car, huit ans plus tard il crée, avec trois associés, une verrerie à la « Grange à Janot », à l’est du Poët Laval.
Ce métier implique une grande mobilité car les ressources en bois s’épuisant, il faut s’installer ailleurs. La vie en autarcie demande la présence de jardin, verger, bétail, champs divers. Des dépendances doivent abriter la production en attendant qu’elle soit achetée par des marchands, seuls habilités à vendre. Les années passant, ses conditions de vie s’améliorent, sans cependant aller jusqu’à l’opulence, car la nécessité de fréquents déménagements, tous les six ou huit ans, empêche toute installation.
Les garçons, dès qu’ils savent marcher, sont employés à la verrerie et les filles aident leur mère dans la lourde tâche d’entretenir toute l’équipe. À cela s’ajoutent les tracas inhérents au métier : manque de bois, rivalités, jalousies et dénonciations, échecs de cuisson, défaut de paiement…
Cette vie de privation, un labeur acharné, une gestion rigoureuse et la qualité de sa production ont cependant permis à Etienne de Bouillane d’amasser peu à peu une petite fortune, alors qu’il est parti de rien. L’inventaire de sa succession à sa mort en 1794, montre qu’il possédait au moins quarante cinq mille livres, sans compter des propriétés foncières…
Si Etienne de Bouillane semble avoir très tôt coupé les ponts avec son père, il s’est beaucoup occupé de son jeune frère et de sa sœur, puis, plus tard, de ses propres enfants.