Le Palais Idéal du facteur Cheval fait-il partie ou non des œuvres d’architecture ?
Déjà, ses dimensions classeraient plutôt cette construction dans l’esprit d’un « château de sable », propre à fasciner des enfants ou des admirateurs de l’«art brut». L’art brut, que Michel Thévoz décrit comme l’art des individus qui ont échappé au conditionnement culturel ou au conformisme social…
Sans doute sommes-nous devant l’ouvrage d’un homme seul, dont la passion dévore la vie sociale… c’est tout son être qui est engagé dans le « faire ».
Le parcours d’Antoni Gaudi est très loin de cela. Son œuvre n’est pas celle d’un solitaire : il s’est toujours entouré de collaborateurs et de spécialistes dans les nombreux domaines qu’il a abordés. Si la construction du facteur Cheval est un édifice-sculpture qui ouvre au rêve, Gaudi, lui, rajoute du rêve à une construction capable de fonctionnalité.
Car les réalisations de Gaudi sont parfaitement fonctionnelles : les bancs du parc Guëll sont confortables, les piliers au décor de palmier remplissent parfaitement leur rôle…
L’originalité de sa pensée architecturale s’est manifestée très tôt, puisque le directeur de l’École d’Architecture de Barcelone se demandera : « ai-je accordé le diplôme à un fou ou à un génie ? » Mais ses qualités techniques sont telles qu’il a su apporter sa contribution personnelle à l’architecture en inventant par exemple le pilier incliné ou l’arc en chaînette ; il a œuvré dans la quasi totalité des champs disciplinaires de l’architecte et dans chacun d’eux, y a laissé son empreinte. Toute son œuvre est caractérisée par le souci de rendre la vie agréable, en mêlant le beau à l’utile. Et si certains aspects de son originalité peuvent le rapprocher du facteur Cheval, il faut bien reconnaître que les destinations de leurs réalisations respectives sont très éloignées, pour ne pas dire opposées.