Par Josiane Bourguet-Rouveyre
Études drômoises n° 10 (juin 2002)
pp. 34 à 37
Résumé d’après l’article
« C’est avec des hochets qu’on mène les hommes » disait Bonaparte en présentant son projet de création d’une Légion d’honneur.
La période révolutionnaire avait déjà créé une décoration attribuée individuellement, à quoi succéda, sous la Convention, un système de récompense collective, mais tout cela était réservé aux militaires. La nouveauté du projet napoléonien résidait dans le fait que ce serait une récompense sanctionnant aussi bien le mérite civil que militaire.
La commission du Tribunat, où les opinions républicaines avaient de chauds partisans, connut des joutes acharnées : Jacques Fortunat Savoye-Rollin en fut le plus habile représentant.
Ce juriste, né en 1754 à Valence, avait exercé les fonctions d’avocat général au Parlement de Grenoble sous l’ancien régime. Faisant partie des notables du département de la Drôme, il devait se révéler un redoutable expert et un polémiste convaincant dans la critique qu’il fit du projet de loi sur la légion d’honneur.
Parmi les arguments développés, on peut extraire :
la crainte que la légion d’honneur ne créât un corps à part, doté de privilèges particuliers ;
la dérive possible des prérogatives de ce corps, pouvant lui permettre de s’interposer entre le peuple et sa représentation dans les assemblées ;
le danger de voir la légion d’honneur établir une sorte de patriciat, prélude à une noblesse militaire et héréditaire.
Malgré cela, 58 Tribuns votèrent pour le texte et 38 contre.
Le Corps législatif devant qui arriva le projet, l’adopta finalement, quoiqu’une forte minorité se soit déclarée contre, impressionnée par les critiques formulées par Savoye-Rollin.
Ce fut là d’ailleurs, sa seule manifestation d’opposition, il devait par la suite, rentrer dans le rang et devenir un fidèle serviteur du régime impérial.