Les camps d’internement, généralement associés à la seconde guerre mondiale, ont pourtant vu le jour sous cette dénomination, de 1914 à 1919 sur le territoire français : 70 en tout, dont celui de Crest. Selon le discours officiel, la finalité de ces camps est strictement militaire : priver l’ennemi de combattants potentiels et éliminer toute entrave à l’effort de guerre.
Le camp de Crest est le seul en France à héberger une population essentiellement tsigane. Depuis le Moyen-Âge, les tsiganes sont l’objet de méfiance et de rejet. Avec la mobilisation générale, ils deviennent la cible privilégiée des autorités civiles et militaires. Le 17 juillet 1915, un télégramme du préfet au maire de Crest institue cette création. Dès le 23 juillet, vers 9h30, arrivent par train 112 Alsaciens romanichels. Puis les arrivées se succèdent, portant la population jusqu’à 170 personnes, population caractérisée par son hétérogénéité et son extrême jeunesse.
Un règlement précis et détaillé gère le fonctionnement du camp, permettant par exemple à certains de sortir, dans un rayon déterminé, pour chercher du travail. Le poste de garde et le commissaire de police en sont les principaux contrôleurs.
Les conditions matérielles de la vie des camps (nourriture, hébergement, soins) sont moins idylliques que ne le laissent croire les rapports officiels. Une école a quand même fonctionné durant un temps mal défini.
La « mise au travail » des internés s’intensifie avec la pénurie des travailleurs ; un certain nombre d’internés exercent leur artisanat à l’intérieur du camp, d’autres participent à l’entretien des locaux. Mais très vite ces facilités seront réduites, puis supprimées, prenant prétexte d’abord de certains débordements de quelques individus, mais surtout de la peur manifestée par la population surtout féminine des campagnes.
Les interventions extérieures d’inspection des conditions matérielles suscitent plus de rapports que de résultats concrets. Le principal soutien des internés vient de la solidarité familiale.
Les sorties définitives du camp sont motivées par des « promotions » (rapatriement, rapprochement) ou des sanctions. Les évasions se produisent surtout dans les années 1918-1919, dues à l’impatience des internés et peut-être aussi à la diminution des effectifs de gardiens.
Le camp ferme définitivement et officiellement en novembre 1919.