En 1599, le Régime de l’édit de Nantes avait garanti une certaine paix religieuse et civile aux Français en limitant et protégeant les droits des protestants.
Mais après l’assassinat d’Henri IV et la reprise des hostilités entre le parti protestant et le Roi, les brimades reprennent et s’accentuent sous Louis XIV. Les fidèles continuent à célébrer le culte sur les ruines de leur temple et organisent des assemblées clandestines. Les huguenots sont systématiquement pourchassés et persécutés ; la Tour de Crest garde encore sous forme de graffiti le souvenir des prisonniers pour la foi (dont Louise Moulin de Beaufort en 1687 et Jacques Roger en 1745).
Les témoignages des victimes de cette époque sont relativement peu nombreux.
Blanche Gamond, fidèle à sa foi dans la pire adversité.
Fille d’une famille aisée de Saint-Paul-Trois-Châteaux qui se voit contrainte d’héberger des dragons, elle assiste au pillage : « On faisait mille ravages, on passait des nuits entières en faisant des grillades, mettant des quartiers entiers de lard sur les charbons… »
Tous ces événements ne font qu’affermir la foi de Blanche ; lorsqu’Antoine Chamier est martyrisé à Montélimar, elle se prend à désirer de finir en martyre.
Blanche et sa famille doivent fuir de nouveau. Après avoir erré plusieurs jours dans la campagne, Blanche se décide à quitter la France et se met en route vers la Suisse avec son frère et sa mère. Capturés par des soldats ils sont jugés à Grenoble et Blanche est incarcérée dans ce qu’elle appelle, non sans humour, « l’église de la Basse Force » avec d’autres religionnaires.
Les tentatives de conversion échouant, elle est jugée et condamnée à la prison perpétuelle.
Son comportement lui vaut d’être ensuite transférée à Valence pour être remise au célèbre Hérapine, violent «convertisseur» de dernier ressort.
Malgré sa faiblesse et ses plaies, Blanche est acheminée vers Genève. Elle vivra à Berne où, en 1688, à 23 ans elle rédigea ses mémoires à la demande d’une de ses amies.
On retrouve ensuite sa trace à Zurich où elle décédera dans l’indigence en 1718.
Noble Durand, bon vivant et grand voyageur.
À la Révocation, une partie de sa famille, dont un pasteur de 75 ans, se réfugie chez lui et lui apprennent le triste sort que les dragons réservent aux Protestants de Dauphiné. Dès qu’il est prévenu de l’arrivée des dragons, il décide de fuir avec deux valets et son garçon et échappe de peu aux «manteaux jaunes».
De Marseille, il rejoint l’Italie (en prétextant un pèlerinage à Rome) ; on retrouve bien le sens de l’humour et du défi de notre Drômois pour s’embarquer pour Londres où il pense se fixer. Il profite de son voyage d’exil comme s’il s’agissait d’une croisière touristique.
Mais le climat de Londres ne plaît pas à notre Drômois qui s’intéresse alors à l’Amérique sur laquelle il a déjà lu des ouvrages.
Le voyage dure plus de quatre mois éprouvants durant lesquels sa compagne de voyage et son garçon décèdent. Les descriptions qu’il fait du pays prêtent à prudence bien que certaines observations soient bien dans le style du personnage. Durand constate que «c’est un pays de coutume. Ils ont des loys si équitables qu’ils n’ont presque pas de procès» ; même l’aristocratie est différente de ce qu’il connaît : « il n’y a point de Seigneurs particuliers, chacun l’est dans ses plantations ».
Cependant, il préfère rentrer à Londres, où il a sans doute fini sa vie, attendant, comme beaucoup de ses concitoyens exilés, le rétablissement du Protestantisme en France.